Madame la Préfète,

Monsieur le Vice-président du Conseil départemental,

Madame la Directrice académique,

Mesdames et Messieurs les membres du CDEN,

Le début de cette année se singularise par de nombreuses incertitudes principalement liées aux décisions annoncées par les ministres de l’Education qui se succèdent de plus en plus rapidement, ainsi qu’aux récents changements en matière budgétaire sur l’ensemble des services publics.

En ce qui concerne le premier point, le Mouvement autonome de parents d’élèves souhaite revenir sur le projet d’instaurer des groupes de niveau au collège à partir de la rentrée prochaine, lancé le 5/12/2023 par le ministre de l’Education Gabriel Attal et désormais entre les mains de la nouvelle ministre de l’Éducation Nicole Belloubet. Les parents d’élèves du Mouvement autonome nous interrogent sur la stigmatisation que ces groupes de niveau pourraient générer à l’égard des élèves les plus en difficulté et sur l’absence d’adhésion de la communauté éducative à ce projet.

Ensuite viennent les questions liées aux moyens alloués. A l’heure où les principaux des collèges ont reçu leur DHG et présenté leur répartition en conseil d’administration, les parents d’élèves s’inquiètent de son impact sur les autres enseignements :

  • Les groupes de niveaux sont consommateurs d’un grand nombre d’heures de DGH dès lors qu’il faut créer plus de groupes que de classes. Nous constatons qu’en raison de DGH trop faibles cela se traduit dans les collèges par la perte de dédoublement dans d’autres niveaux ou dans d’autres matières (en particulier dans les matières scientifiques), par la perte de projets ou d’options.
  • Qu’en sera-t-il des emplois du temps ? Les groupes mélangeant des élèves de plusieurs classes, devront être alignés. Ce sont des contraintes très fortes pour réaliser les emplois du temps qui s’ajoutent aux contraintes habituelles en particulier au regard de la disponibilité des structures sportives pour les cours d’EPS. Nous craignons des emplois du temps à rallonge, avec de nombreuses heures de permanences, voir des pauses méridiennes réduites ne respectant pas la durée minimum légale d’1h30.
  • Les collèges n’ont pas toujours suffisamment de professeurs de français et mathématiques pour aligner les groupes de niveaux.
  • Les groupes moyens et forts risquent d’être surchargés sans possibilité de dédoublement.
  • En théorie un élève peut changer de groupe en cours d’année, mais en pratique cela sera impossible si le groupe qui doit l’accueillir est en limite de capacité.
  • Nous nous inquiétons de l’évaluation et de la répartition des élèves à besoins éducatifs particuliers, avec le risque de les concentrer dans les groupes faibles.
  • Les professeurs de mathématiques et français seront-ils contraints d’être professeurs principaux d’élèves qu’ils ne connaissent pas ?
  • Nous ne pouvons parler au nom des enseignants mais les parents d’élèves se demandent quelle connaissance ils auront des élèves de la classe qui ne seront pas dans leur groupe de niveau. Un professeur principal peut-il réellement être l’interlocuteur privilégié de la famille s’il ne voit pas l’élève de la semaine ?
  • Autre crainte des parents d’élèves, celle de voir disparaître les groupes-classes au collège comme cela a été le cas dans les lycées avec la réforme du Baccalauréat et les spécialités qui ont détruit cette notion. C’est un tort de considérer que les élèves avant leurs études supérieures n’ont pas besoin de cohésion et d’appartenance à un groupe. Face aux incertitudes de leur âge, aux changements en tous genres qu’ils ont à affronter au collège et au lycée, ils ont besoin, plus que jamais, d’être rassurés et d’avoir un cadre bien défini et ferme.

Les DSDEN, les rectorats et le ministère se sont-ils penchés sur la faisabilité des emplois du temps ? Se sont-ils penchés sur l’impact de la disparition du groupe-classe ? Envisagez-vous d’augmenter les DGH partout où cela sera nécessaire pour maintenir les dédoublements nécessaires à de bonnes conditions d’apprentissages, les options et projets qui participent à la richesse de l’enseignement ? Les tableaux envoyés en amont de ce CDEN ne traduisent pas cette volonté.

Trois mois après l’annonce du « choc des savoirs », il est anormal d’être dans le flou le plus total quant à la mise en place de cette réforme dont la faisabilité n’a manifestement pas été réfléchie en profondeur ni budgétisée. Il faudrait arrêter de faire des générations-tests.

Enfin nos inquiétudes portent aussi sur le fond de cette réforme ce qui nous amène au deuxième point. Celle-ci part du constat que des élèves arrivent en 6e sans avoir le niveau requis en mathématiques et français.

Pourquoi alors ne pas avoir choisi d’agir sur le niveau primaire en donnant des conditions véritablement favorables aux apprentissages ? En réduisant le nombre d’élèves par classes dans tous les niveaux, en renforçant les RASED, en recrutant suffisamment d’AESH et en renforçant les brigades de remplacement, pour mettre fin à ce fléau que sont les « paquets d’heures non remplacées ».

Peut-être faudrait-il revenir sur le rôle important que peuvent avoir les Maîtres E (dominante pédagogique) et Maîtres G (dominante comportementale) dans le Primaire. Il est regrettable que le nombre de ces postes ait fortement diminué et d’attendre que les élèves arrivent en 6ème pour constater qu’ils n’ont pas les acquis. Ces constats ne sont-ils pas déjà faits dès le Primaire ? Les effets de la réduction des effectifs par classe en REP et REP+ sont positifs mais des classes à effectifs raisonnables (24 en classe) en Primaire et au Collège dans les secteurs hors REP et REP+, qui accueillent eux aussi des élèves en grandes difficultés, seraient tout autant appréciées. Il serait bon également de reconsidérer le nombre d’heures de Français et de Mathématiques qui n’a cessé de diminuer depuis 40 ans.

Invariablement les évaluations nationales se succèdent et le confirment. Espérant sans doute résoudre ces difficultés profondes en les invisibilisant, des directions d’établissement refusent désormais de nous présenter et communiquer les résultats globalisés des évaluations en conseil d’école ou conseil d’administration, au motif qu’il s’agit d’outil interne ou pour éviter qu’il ne serve d’outil au contournement de la carte scolaire par les parents. Certes l’argument semble légitime comme pour les IPS, mais il n’est pas fondé en droit comme l’avait déjà tranché le tribunal administratif en 2022.

Ceci nous amène au sujet de la place des parents d’élèves dans l’Ecole. Certains voudraient les exclure de l’Ecole. Ou alors peut-être s’agit-il seulement des représentants de parents d’élèves ? Pourtant leur rôle est important car ils sont un lien entre la vie privée de l’enfant et la vie scolaire. En réalité nous ne faisons pas de garde partagée mais nous partageons la vie de nos enfants sous un statut différent au cours de la journée.

Un temps ils sont nos enfants, un temps ils sont vos élèves. Tout parent quel que soit son niveau d’instruction est légitime à désirer le meilleur pour son enfant, à vouloir qu’il trouve sa place et soit heureux. Parfois il ne manque pas grand-chose à un enfant pour qu’il ait le niveau, qu’il soit bon, un peu de temps, juste un peu de temps, une explication différente, et parfois du concret et des messages positifs.

Puisque l’objet de ce CDEN est de préparer la rentrée 2024, qu’en sera-t-il de ce temps d’enseignement si précieux à la réussite des élèves ?

Et bien face à tous ces enjeux éducatifs, il convient de mettre en miroir le montant des crédits annulés pour la mission « Education nationale », d’abord dans l’arrêté du 26 janvier 2024, dans lequel le ministre de l’Economie et des Finances annule un montant de 285 millions €. Puis dans le Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de 691 millions € de crédits. L’ancien ministre de l’Education nationale devenu le plus jeune 1er ministre en France, nous avait pourtant assuré le 12 janvier 2024 lors de sa passation, que « L’école sera la mère des batailles de mon gouvernement et j’en serai le garant ».

En 26 jours, c’est bien 1 milliard € cumulé de coupes budgétaires dans l’Education nationale. Pourtant, cette mission éduquer les enfants de la Nation est essentielle et mérite plus que des promesses en l’air, elle implique des moyens humains et financiers suffisants.

Est-ce que les tableaux, intégrant d’ores et déjà des mesures de fermetures de classe dans le 1er degré et des baisses de DHG dans le 2nd degré, transmis par la DSDEN avant ces annonces et ces coupes massives, vont-ils faire l’objet d’une seconde cure d’austérité ?

Enfin, notre dernier point concerne un autre service public indispensable aux familles et en proie aussi aux coupes budgétaires : la restauration scolaire. Garantir aux jeunes essonniens, de toutes conditions, des repas abordables et complets pour qu’ils puissent ne pas penser à la faim et se concentrer sur les apprentissages, c’est donner à chaque collégien essonnien les moyens de la réussite.

Le Conseil Départemental des Yvelines, malgré une baisse anticipée de l’ordre de 170 millions € de recettes (DMTO) dans le budget 2024, a maintenu la priorité donnée à la réduction des inégalités alimentaires dans ses 115 collèges. A date, un collégien dans le département voisin des Yvelines, département favorisé de l’académie de Versailles, bénéficie chaque jour d’un repas à 5 composantes pour un tarif inférieur à celui d’un repas à 4 composantes qui est proposé par le Conseil Départemental de l’Essonne. Pour s’attaquer réellement à ces inégalités alimentaires en Essonne, moins favorisé que les Yvelines, nous réitérons encore la demande des représentants des personnels et des parents d’élèves de l’Essonne d’un retour à un menu à 5 composantes sans augmentation tarifaire.

Nous vous remercions de votre attention.

Nabil Bouzerna pour l’UNAAPE Essonne

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